Pour Nabokov, « seul un fou peut se croire mortel ». C’est en toute lucidité que le narrateur se réveille un jour à l’hôpital de la Cité Universitaire. Hier encore, il était un homme, aimant le monde et aimé de lui. Et combien il s’était aperçu qu’il adorait la vie, qu’il adorait sa femme. Et là, allongé sur son lit, animé par un sentiment d’injustice qui grandit, il se refuse d’être captif de fils dont il se libère bientôt, fils qui le transforment en pantin et le renvoient à une enfance qu’il déteste et qui l’a humilié.
Il ne veut pas voir ce cœur projeté sur un écran qui ne lui apprendrait rien sur lui, excepté un épiphénomène biologique. Sa véhémence surprend les médecins. « Puis il parla ». A la grande surprise du malade, la voix de son coeur éteint celle de la conscience, semblable au son obsédant de la vague qui se brise, se retire et, épuisée, répète à l’infini son mouvement.
Pour le narrateur qui aime tant les mers, son cœur possède la détermination aveugle et surhumaine des océans et couvre par sa puissance les chuchotements des médecins. Il n’a que faire des bruits alentour, indignes de cette voix qui règne seule et où le narrateur croit entendre un écho de la Genèse. Une expérience inoubliable, capable de couvrir tous les bruits de la vraie vie.
Après ce voyage aux frontières de la mort suivi d’une renaissance éclatante, Jean Blot en tire cette conclusion qu’il combat : « il te suffit d’obéir et tout devient facile et doux dans sa simplicité, malgré (…) cette pâleur livide qui te fascine, cette silhouette qui se dresse avec une élégance qui n’est pas de la vie et, empruntée à son contraire, impose sa vénéneuse beauté ».
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