En amitié, ou dix portraits affectueux d’écrivains avec lesquels Jean Blot a tissé des liens amicaux. Des hommes et une femme qui, décédés, « ne meurent jamais tout à fait ». L’œuvre subsiste, sorte de désincarnation qui reste néanmoins fidèle à l’esprit. Les anecdotes aussi, que la mémoire conserve, qui sont autant de clins d’œil qui restituent la palpitation du passé. Dans ces portraits, « guidé par l’envie de les revoir », Jean Blot semble aller les chercher en sachant que sa lecture est déformée par la personnalité qu’il a connue comme le murmure pérenne de Nathalie Sarraute, la pierre offerte par Roger Caillois ou la tranquillité grave et apaisante de Denis de Rougemont.
Et c’est ainsi que l’on se retrouve en compagnie de Pierre Emmanuel, de son grand sourire narquois et de cet éclat dans les yeux dont on ne sait d’où il vient. D’Albert Camus, l’unique, dont les livres traduisent sa nature d’exception et qui meurt trop jeune sur cette route qui le mène à Lourmarin, village lumineux qui lui rappelle sans doute le soleil d’Algérie. « J’ai besoin de la lumière » disait-il. D’Eugène Ionesco, de ses « yeux d’ogre bienveillant faits dans des fruits confits, qui en avaient trop vu… », dont l’étonnante autorité surprend Blot lors d’un déjeuner, une autorité « dans le geste, le propos, le maintien ».
Pas un de ces écrivains n’échappent à la tendresse malicieuse de l’auteur. Albert Cohen qu’il revoit dans son beau complet gris « tout miroitant de gaieté, de gentillesse, de vanité pudique ». Roger Caillois qui lui fait découvrir le monde minéral et dont la belle voix « trébuchait parfois (…) comme si elle parvenait difficilement à suivre le feu ou le galop de l’esprit ». Arland, Durell, Guilloux passent aussi sous la plume de Blot qui exprime à chacun sa « gratitude pour avoir prêté un sens à (sa) vie ».
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