Un terme insolite hante ce premier volume de l’Histoire du passé, comme il le fera dans les deux suivants : l’anthropophanie, soit l’apparition de l’homme à sa propre conscience. Il donne aussi la clé de lecture de l’ouvrage. Il s’agit, pour Jean Blot, non de s’interroger sur les faits, mais sur leurs échos qui modifient la sensibilité humaine. « Il n’est d’histoire que de l’âme » selon Saint-John Perse. C’est cette grille de lecture qu’emprunte Blot pour ressusciter les émotions ou sentiments, et non celle de l’historien, un peu à la manière de Proust dans La Recherche. Ou comment, avec force érudition, il évoque, ici pour l’Égypte, ce personnage central de l’anthropophanie qui sort des ténèbres et s’affirme au point de devenir une civilisation dont la lumière nargue la mort.
Hérodote, l’un des premiers à nous parler de l’Égypte dit qu’elle « est un don du Nil ». Sans doute, mais elle est bien plus que cela. Pour celui qui est à la recherche de ces moments qui annoncent un changement de l’homme, un nouveau visage de l’âme, elle a « enseigné la permanence à travers laquelle son étrangeté se révèle et s’impose ». Il évoque l’immense prestige de l’Égypte antique et du désir d’assimilation qu’elle inspire ; ces reines pharaonnes, cette « découverte de la femme », dont la première, Hatshepsut, réalise l’androgynie promise ; le pharaon Akhenaton dont les réformes, soutenues par sa femme devenue légende Néfertiti, libèrent son pays de la force magique sans pour autant rechercher une forme de transcendance…
Du grand Ramsès II, de l’épisode avec Israël, des crises et des renaissances jusqu’à l’hellénisation avec Alexandre le Grand, la disparition avec Rome, puis les réminiscences romantiques, l’Égypte a toujours joué un rôle singulier, de « passé antérieur, prophète et nourricier du présent ».
Laisser un commentaire