Soleil se couche à l’Est

Sur ce pays où il est né et qui aurait pu le sien, Jean Blot écrit là une somme remarquable qui évite le piège si fréquent d’évoquer une prétendue « âme russe ». Pour comprendre ce voyage dans une Russie disparue, et c’est là reprendre la règle de Sainte-Beuve, il faut avoir en mémoire la vie et la carrière de l’auteur qui, né dans une riche famille juive de Saint Pétersbourg, se retrouve en France, puis dans une public school en Angleterre, puis à nouveau en France comme maquisard, partant ensuite aux USA pour avoir été interdit de passer l’ENA faute d’être naturalisé.

Passant de sa géographie, ses fleuves, plaines et forêts, à son histoire, Jean Blot pointe ces moments clé que traverse la Russie, de l’arrivée des Varègues au IXème siècle au règne de Nicolas II, moments qu’il relie ensuite à l’instauration du régime communiste et ses trois quarts de siècle d’existence. Ce sont les épisodes les plus violents et les plus mystérieux qui retiennent son attention : le « Temps des   troubles » qui s’achève en 1613 avec l’arrivée de la dynastie des Romanov, les multiples meurtres qui scandent la vie de la famille impériale ou l’illustre tsar Alexandre Ier, le victorieux rival de Napoléon.  

A cette grande histoire se mêlent quelques anecdotes, parfois touchantes comme cette visite que rend l’auteur à sa tante moscovite qui demeure toujours dans la maison familiale transformée néanmoins en un collectif d’appartements. Jean Blot a bien du mal à cacher sa tendresse pour ce pays qui l’a vu naître, lui qui un instant veut oublier sa terrible histoire pour le transformer en ballerine. Son envol, « dans sa rigueur et sa fragilité », signifierait alors que le soleil reviendrait à sa place, se lèverait « sagement à l’Est », suivi par les regards et les espoirs de tous les russophiles.

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