Dans A Saint-Pétersbourg nous nous retrouverons, Jean Blot ne cache pas son amour lucide pour cette ville qui l’a vu naître – elle s’appelait alors Leningrad – et qui aurait pu être le théâtre de son enfance et de sa jeunesse. L’histoire en a décidé autrement. C’est ainsi le fils d’émigrés juifs russes qui déploie ici un trésor d’imagination et d’érudition pour retrouver celle qu’il dit d’emblée être une merveille du monde, à la fois magique pour ne pas avoir besoin de mythe fondateur, une ville hantée, une ville fantasme. Saint-Pétersbourg, la seule enfant légitime de l’histoire, dont les habitants ne sont que locataires.
L’auteur évoque ensuite les liens privilégiés entre la ville fondée par Pierre le Grand et Versailles, toutes deux animées par un esprit né de même inspiration, la même volonté. Mais la ville russe possède un double langage : celui du père, de l’intellect, mais aussi le murmure tendre de la mère, la langue de Dieu qui précède et excède la raison. Si le premier et sa loi du récit, placé sous le signe de l’idéal, transparaît dans les places et palais géométriques de la ville, on peut entendre la voix de la seconde « sur les bords de la Neva dans l’inquiétude des soirs sans fin ».
Mais si Leningrad n’a pu cacher Saint-Pétersbourg, l’inverse est aussi vrai. Ville de toutes les grâces, elle est aussi celle « du crime et des fusillades ». En marchant dans ses rues, « on se souvient de Leningrad », un passé qui prend à la gorge pour avoir vu naître la Révolution et le régime des soviets. Elle reste néanmoins une ville du « Réveil », une source d’énergie et d’espoir où est enterré un secret aussi aveuglant que le soleil. Et Blot de laisser Mandelstam conclure : « C’est à Saint-Pétersbourg que nous nous retrouverons / Comme si nous avions enterré le soleil ».
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