Jean Blot, comme il l’avoue, s’attaque dans Moïse à un sujet « qui peut paraître un peu fou ». Mais rien ne l’arrête tant il est persuadé qu’il reste notre contemporain si l’on veut bien « commencer par le désert (…) apprendre à écouter son silence ». Car c’est dans ce « rien » que la parole devient un début absolu.
Il s’agit là d’une biographie spirituelle du prophète, fondateur d’Israël et du monothéisme, ou encore d’un portrait « plus poétique qu’intellectuel ». Et pourtant, cette méditation qui suit les étapes du récit biblique, de l’Exode au Deutéronome, s’appuie sur bien des penseurs, de Philon d’Alexandrie, Flavius Josèphe, Rachi de Troyes à Martin Buber, Gaston Bachelard ou Emmanuel Levinas pour n’en citer que quelques-uns.
Car l’ouvrage est riche, presque trop tant les références sont nombreuses. Mais le Moïse de Blot sait se faire humain, trop humain, pour ne pas émouvoir le lecteur, pour qu’il n’y décèle pas le début d’une histoire qui se poursuit depuis. Du jeune garçon « sauvé des eaux » qui entend dans la nuit égyptienne « Sois prudent comme Jacob, soit doux comme Isaac, sois fidèle comme Abraham », à l’adulte meurtrier qui fuit dans le désert (la mauvaise conscience est le moteur du progrès individuel et collectif), au berger qui reçoit la parole enflammée de Dieu… Les mots et les images se suivent sur un rythme haletant comme dans le passage qui précède l’Exode, moment qui « respire la hâte, partout frémissante dans la nuit », moment qui prophétise le temps de l’Histoire.
Le final est à la hauteur de ce qui précède. « On le voit déraisonnable, révolté, refusant la mort : le plus humble des hommes ». Moïse enfin se soumet. Dieu ne lui a-t-il pas dit de ne pas tuer la mort car « le monde a besoin d’elle… ». Il ne sera plus. Mais l’humanité a besoin, selon Blot, d’un second Moïse capable de réconcilier de nouveau « le savoir et la foi : c’est-à-dire l’homme avec lui-même »
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