En introduction à sa monographie consacrée à Ossip Mandelstam, Jean Blot reprend, tel un leitmotiv, un thème cher au poète : « la poésie est unique ». Car, selon ce dernier, « la poésie renverse les frontières des nations et les forces élémentaires d’une langue s’interpellent avec les forces d’une autre, par-dessus les têtes de l’espace et du temps… ». La poésie n’a donc pas de pays, contrairement à la prose d’un Stendhal ou d’un Tolstoï, et tend toujours vers un sommet unique. Elle relève de l’image, et non d’un propos ou d’un thème, aussi rares soient-ils, de ces correspondances hardies qu’ose, par exemple, Mandelstam entre l’ouïe et la voile, l’une renvoyant à ce qui correspond à la seconde.
Pour Blot, la poésie russe trouve une puissance singulière dans sa langue non écrite, dans sa lecture à haute voix qui suppose la présence des autres, mais aussi dans son opposition à la religion aux écrits du pouvoir. Et de souligner l’appartenance d’Ossip Mandelstam à ce mouvement qu’est l’Akméisme, ce que le poète décrit comme « la nostalgie d’une culture universelle ».
Rappelant que le poète est parent « du prophète et du saint », l’auteur passe en revue la vie de celui qu’il fait plus qu’admirer, de sa naissance dans une famille juive de Varsovie en 1891 à son entrée dans la prestigieuse école Tenichev de Pétersbourg. Suivent des années de bonheur prolixe que vient interrompre une longue période de stérilité dans les années 1920. Mais en 1930, alors que s’annonce « la nuit stalinienne », Mandelstam se résigne à ne plus se résigner. Et d’écrire cet Épigramme contre Staline en 1933, un acte désespéré d’audace et de courage, qui l’entraîne sur la voie du martyr. Parti en 1934 en résidence surveillée à Voronej, il est à nouveau arrêté et meurt dans des conditions mystérieuses en 1938.
Jean blot tient à cette biographie de Mandelstam qui écrit combien « il est terrifiant de penser que notre vie est un récit sans sujet ni héros, fait de vide et de verre, composée du balbutiement fiévreux de digressions constantes… ». Et de conclure qu’il est « l’un des pressentiments admirables » de la poésie universelle.
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