Le voyage est-il un vice, une trahison à laisser derrière soi les êtres et les choses autrefois complices ? Ne serait-ce pas aussi une forme de présence fidèle née de cet apprentissage, partout, de ce qu’est la misère et la mort, l’injustice et la colère, suivi de cet indomptable espoir qui redresse le voyageur ? Écrit en 1973, Là où tu iras ne se prête pas à la nostalgie présente dans des ouvrages plus récents.
D’une plume classique, le narrateur passe de la réflexion au reportage et à la poésie. Car le voyage dit « géographique » ne vaut sans un voyage intérieur. Inde, Union Soviétique, Venezuela, Israël, Malaisie, Afrique noire, Égypte, tous sont des « provinces de l’âme » dont les sites correspondent à des états intérieurs. Tous ramènent, dans la prodigalité, la richesse quasi vertigineuse de la création à l’unité fondamentale de l’humain.
Ce propos n’altère en rien la variété des description et émotions. Jean Blot, le cosmopolite, se perd ainsi en Inde dont il déplore le « désastre démographique » comme l’indifférence face à tous ces morts d’inanition dans les rues ; il erre en Union Soviétique où il fait la connaissance de la grande poétesse moscovite Anna Akhmatova ; il échoue à aimer cette terre violente qu’est le Venezuela. Et si la Malaisie le surprend pour avoir tiré une belle force de ses fragilités, si l’Afrique noire lui parle de retour, l’Égypte est le pays où il se retrouve. Ne porte-t-il pas cette parole du désert, une parole qui l’a vu naître il y a 5000 ans en terre d’Israël ? « Là où il n’y a rien, Dieu parle ». Jean Blot que l’on connaît incroyant surprend. Mais ne dit-il pas de ce Dieu qu’il l’entend encore, mais qu’il parle si bas ?
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