Albert Cohen ou Solal dans le siècle

Paru en 1995 à l’occasion du centenaire de sa naissance, Albert Cohen ou Solal dans le siècle résonne alors d’une vraie actualité, en particulier sur le destin juif. Pour Jean Blot, le grand écrivain a « bon pied, bon œil ». Pour ne pas avoir connu cette éclipse que connaissent ses pairs avant de passer à la postérité. Mais ce serait une erreur de faire Solal un sosie de son créateur ; il lui échappe comme le font tous les personnages de fiction.

Et l’on suit avec intérêt le narrateur reprendre les grandes étapes de la vie du romancier. Le Corfiote de 10 ans qui, à Marseille, se fait traiter en public de youpin ; le jeune Ottoman qui, étudiant en droit à Genève, tombe sous le charme d’une comtesse hongroise plus âgée avant de prendre pour épouse, au grand damne des deux familles, la ravissante fille d’une famille huguenote bien établie. Puis c’est Alexandrie, à nouveau Genève, son premier texte publié en 1922 par Gallimard et le décès de sa femme en 1924. Il a néanmoins déjà répondu à sa seconde vocation, le sionisme, devenant l’émissaire politique de Weizmann en terre suisse.

Mais le romancier veille. Solal, paru en 1930, est très bien reçu par la presse, en particulier par le Vossische Zeitung dans l’Allemagne nazie de mars 1933 : « Avec Solal, le roman contemporain s’éveille à une vie nouvelle, d’une originalité absolue ». Comme il l’avait avoué à l’hôtel Lutetia, Albert Cohen est l’auteur d’une œuvre unique. Mais cette « geste juive » devra attendre huit ans pour voir paraître Mangeclous et encore vingt ans plus tard pour Belle du seigneur. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale, son retour sur le Lac Léman, son « retour à soi » avec Le livre de ma mère, son livre le plus intime, qu’il écrit Belle du seigneur dont on sait le succès.

Mais, Albert Cohen reste une âme rebelle selon Jean Blot. A ne pas croire en Dieu lui vient une sorte de morale qui substitue à l’amour universel la modeste « tendresse de pitié ». D’elle seule, en effet, dépend la cohésion de l’humanité, la haine ayant déserté l’horizon des possibles.   

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