En mars 2023, pour célébrer les cent ans de la naissance d’Alexandre Blokh (1923-2019), connu sous son nom de plume Jean Blot, les éditions Corlevour publient un essai biographique de Caroline Bérenger : Jean Blot. Dans les labyrinthes de la littérature.
Jean Blot a traversé son siècle. Né Alexandre Blokh à Moscou en 1923, il est emporté sur les routes de l’exil. Après une étape à Berlin, sa famille se réfugie à Paris en 1925. L’enfant, juif et apatride, grandit dans l’émigration. Il reçoit une éducation cosmopolite en trois langues – le russe, le français et l’anglais. Mais la guerre le menace directement. En 1941, il échappe de peu à l’arrestation. Il est alors contraint à la clandestinité pour survivre et s’engage dans la Résistance sous le nom de Jean Blot. En 1943, il rejoint l’Armée secrète et devient homme de réseaux dans les maquis de l’Ain. En 1944, il participe à la libération de Lyon en tant que Lieutenant des FFI dans le régiment du Colonel Fabien. Il se forge une conscience politique éprouvée par le danger, prise en étau entre nazisme et stalinisme.
Au lendemain de la guerre, Jean Blot quitte l’Europe en ruines et s’envole pour l’Amérique, où les Nations Unies viennent d’être créées afin de reconstruire une paix durable. Interprète à l’ONU (1946-1961) pendant la Guerre froide, en poste à New York puis à Genève, il traduit les discours des hommes d’État dans les situations de crise : Israël et la Palestine, Dien Bien Phu, Budapest ; il est envoyé en mission d’observation sur les zones de conflit, en Grèce, en Corée et en Amérique latine. Nommé à l’Unesco (1962-1981) à Paris, à la tête du Département des arts et des lettres, il s’engage pour la culture et l’éducation. Secrétaire du Pen Club international (1981-1997), il prend la défense des écrivains persécutés. Homme d’action, toujours en mouvement, Jean Blot est un grand témoin du XXe siècle.
Mais sa vocation est ailleurs. Il veut vivre en littérature, faire œuvre de sa vie. En fidélité à son père et au poète dont il porte le nom (Alexandre Blokh, 2007), il se fait passeur de la culture russe qu’il a contribué à diffuser en France par ses chroniques dans les revues Preuves, L’Arche, La NRF, ses traductions et ses essais (Mandelstam, 1972; Gontcharov, 1986; Nabokov, 1995; Le soleil se couche à l’est, 2005). Il anime un parlement imaginaire des écrivains avec ses maîtres qui sont aussi ses amis et auxquels il consacre plusieurs études :Marcel Arland, Albert Camus, Louis Guilloux, Lawrence Durrel, Albert Cohen, Michel Butor, Nathalie Sarraute et tant d’autres (Le roman, poésie de la prose, 2010). Jean Blot transmet une œuvre littéraire tissée de filiations et d’influences : romans polyphoniques d’une identité dispersée (Le Soleil de Cavouri, 1956; Les Enfants de New York, 1959; Les Cosmopolites, 1976) ; récits d’aventure relatant son expérience du monde (Le juif Margolin, 1998; Une Vie à deux, 2008) ; carnets de voyage ouvrant un paysage, avec sa perspective et ses lointains (Sporade, 1979; Tout sera paysage, 2015).
Cette biographie, préfacée par François Bordes, se propose de reconstituer l’itinéraire d’un humaniste, engagé dans les combats du XXe siècle, qui a vécu au rythme de l’histoire mondiale, la vie romanesque d’un éternel voyageur et d’un amoureux de la littérature.
Caroline Bérenger
Caroline Bérenger est docteure en études slaves, spécialiste de littérature russe. Elle est maître de conférence HDR à l’université de Caen-Normandie. Ses travaux portent en particulier sur la poésie de Marina Tsvetaeva.